L Interprétation dynamique des centres d intérêt dans les dialogues français et polonais

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1 Hélène WŁODARCZYK Paru dans Études linguistiques romano-slaves offertes à Stanisław Karolak, Oficyna Wydawnicza Edukacja, Cracovie 2003, p L Interprétation dynamique des centres d intérêt dans les dialogues français et polonais 1. Le rôle du temps dans l interprétation du dialogue Jusqu à présent, nous avons étudié les procédés qui permettent de faire d un constituant de la phrase l un des centres d intérêt (topique ou focus) de l énoncé (Włodarczyk A.1999, Włodarczyk H.1999). Nous examinerons ici comment les centres d intérêt (tels qu ils sont définis dans l article de Włodarczyk A. dans ce volume) se succèdent dans les dialogues. Dans un dialogue, à la différence d une narration attribuée à un seul énonciateur, c est l intervention des interlocuteurs différents qui peut faire passer au rang de centre d intérêt un élément que le premier intervenant n avait pas à l origine l intention de développer. La succession des énoncés ne correspond pas en général à la succession temporelle des événements relatés (sauf des récits de jeunes enfants), il faut pour l interpréter tenir compte de marqueurs nominaux (détermination indiquant la coréférence) et de marqueurs verbaux d aspect-temps. Nous examinerons également les valeurs informatives ou des énoncés successifs (Włodarczyk A. 1999). A chaque changement de statut d un élément (de nouveau en donné) la valeur informative de l énoncé où il se trouve est susceptible de changer aussi. Mais qu entend-on par dialogue? Le dialogue est une interaction artificielle (construite) et la conversation une interaction naturelle (enregistrée) (Moeschler 1989). Dans un dialogue de théâtre ou de roman, la densité des centres d intérêt est grande par rapport à la longueur du texte alors que dans un dialogue oral naturel, il faut plus de temps pour introduire de nouveaux centres d intérêt. Outre quelques données de dialogues enregistrés (parmi lesquels nous distinguons ceux de la conversation familière 1 et ceux qu on peut appeler conventionnels entre un 1 Corpus emprunté à Morel M.-A. et Danon-Boileau L

2 professionnel et un client 2 ), nous avons analysé un dialogue de théâtre qui est une forme épurée de l échange conversationnel dont sont supprimées les parties les moins pertinentes liées aux conditions naturelles de la communication (tout ce qui prépare l échange en vérifiant l attention du destinataire, les modalités qui doivent faciliter l acceptation de certains actes illocutoires, etc.). Nous avons pris comme exemple la Scène 4 de la pièce de S. Mrozek Alfa (texte reproduit en annexe): un dialogue entre Alfa, activiste politique placé en résidence surveillée, et Bêta, le policier chargé de le garder Les centres d intérêt (thème, topique, focus, sujet, objet) et la cohérence du discours Le topique, défini comme le sujet global d un énoncé (Włodarczyk A. 1999), peut se réaliser comme projeté à l avant de la phrase, tout en pouvant être coréférentiel avec le sujet de cette phase ou avec un de ses objets. Notamment, le polonais qui, grâce à la déclinaison peut utiliser l ordre des mots à des fins pragmatiques, topicalise souvent l objet en le mettant devant le verbe sans avoir besoin de reprise anaphorique. Soulignons cependant que le topique n est pas l élément le plus en avant de l énoncé. Un représentant de l école de Prague, Jan Firbas (1986), signale la présence d éléments antéposés servant de décor (il emploie aussi le terme de coulisses) à l énoncé qui va suivre. M.-A. Morel et L. Danon-Boileau [1998 p. 37] ont proposé le terme de préambule du paragraphe oral à l intérieur duquel le topique (qu ils appellent support lexical disjoint) peut venir après quatre autres éléments: le ligateur, l indice de modalité: expression du point de vue et le modus disssocié à valeur épistémique ou appréciative, ainsi que le cadre. Quand on considère un discours formé de plusieurs énoncés, nous avons besoin d un concept plus général que ceux de topique et focus: nous appelons thème le centre d intérêt de tout un discours. Quand un discours est court il est en général organisé autour d un seul thème; quand il est long on peut y déceler des thèmes particuliers caractéristiques de fragments de discours et un thème général qui caractérise tout l ensemble. Selon [Grosz et al. 1995], chaque fragment de discours a une cohérence locale (interne aux parties de ce fragment) et une cohérence globale (qui relie ce fragment à l ensemble du texte). De notre point de vue, la cohérence locale s établit au niveau des 2 Corpus sur support électronique mis à notre disposition grâcieusement par Tomokiyo M. du laboratoire IMAG de Grenoble et texte de Luboński P Nous avons choisi cette oeuvre, qui évoque le personnage de Lech Wałęsa, à l occasion du vingtième anniversaire des accords de Gdańsk en août

3 topiques, focus, sujet et objet de la phrase tandis que la cohérence globale s établit au niveau du thème général du discours. Dans la succession temporelle, les topiques et focus sont en relation étroite puisqu au fur et à mesure que se déroule un discours les éléments nouveaux se transforment en éléments connus. Comment sont choisis parmi les éléments nouveaux celui qui sera transformé en connu dans l énoncé suivant? Il existe différentes stratégies qui ont été décrites par plusieurs théoriciens de manières différentes. Dans la théorie de la perspective fonctionnelle de l école de Prague (Firbas 1986 et Hajicova 1997), il y a une hiérarchie de valeur informative des éléments constituant le donné (l ensemble des connaissances partagées). L activation respective de ces éléments évolue au fur et à mesure que le discours progresse. L école de Prague parle de dynamique informative. L activation la plus haute est celle des éléments du focus, un degré de moins caractérise les éléments du topique. La reprise par un pronom anaphorique est possible pour un élément qui garde un fort degré d activation. Pour réactiver un élément moins actif on emploie plutôt un SN (syntagme nominal) à valeur anaphorique. Dans la théorie américaine des centres d attention ou centrage [centering, Grosz et al. 1995], on distingue entre les centres orientés vers l arrière (backward looking center: Cb) et les centres orientés vers l avant (forward looking center: Cf ). Chaque énoncé courant E n comporte un seul Cb(E n ) et plusieurs Cf(E n ) ordonnés dont l un est le plus important et est noté Cp(E n ). Les différents théoriciens du centrage n adoptent pas tous le même principe de hiérarchisation des Cf. La solution qui est la plus proche de notre conception des centres d intérêt de l énoncé consiste à considérer que c est le groupe nominal sujet qui constitue le Cp (Brennan, Friedmann & Pollard 1987). Le centre orienté vers l avant Cb d un énoncé E n+1, noté Cb(E n+1 ), correspond au plus important des centres orientés vers l avant de l énoncé qui précède Cp(E n ). Il y a trois types de sucession des centres d attention dans deux énoncés successifs : (1) la continuation : le même Cb qui est une reprise du plus important Cf dans un énoncé E n est conservé pendant plusieurs énoncés E n+1, 2,.., (2) la rétention : un Cf, qui n est pas le plus important dans l énoncé E n devient le Cb de l énoncé E n+1 mais n est pas ensuite conservé comme Cb dans E n+2, (3) le changement (shifting): le Cb de l énoncé E n+1 est différent de celui de l énoncé précédent E n. La transition par changement a été analysée par plusieurs auteurs qui distinguent entre changement brusque (rough-shift) et changement doux (smooth-shift). Les trois types ci-dessus de transition sont considérés comme ordonnés selon le moindre effort d inférence nécessaire de la part du locuteur et de l interlocuteur pour conférer de la cohérence à leur discours. En revanche, des auteurs qui intègrent la perspective fontionnelle de l école de Prague à la théorie du centrage (Strube & Hahn 1996) considèrent ces transitions comme 3

4 non ordonnées a priori. Les types de transition préférés diffèrent plutôt suivant le type de texte (information technique, presse ou littérature). De plus, il faut tenir compte de plusieurs transitions successives pour apprécier leur rôle dans la cohérence du discours : l ordre continuation + continuation est plus facile à mettre en œuvre que rétention + continuation et cette dernière séquence plus difficile que rétention + changement. Les considérations que nous venons de résumer contribuent à préciser les notions de cohésion et de cohérence du discours qui sont développées depuis des décennies dans la théorie du texte [Dobrzyńska 1993]. L enchaînement du discours est l effet de la cohésion qui est basée sur les relations grammaticales tandis que la cohérence est d ordre sémantique. D après [Moeschler 1989], outre les relations linguistiques entre les segments du discours (anaphores, structure des phrases, connecteurs, etc.) qui contribuent à la cohésion, la cohérence envisage également les relations pragmatiques. L école de Genève (Moeschler 1989) intègre dans la théorie du dialogue le principe de la pertinence (Sperber et Wilson 1986): la cohérence ne relève pas uniquement de critères de structuration linguistique mais fait intervenir les connaissances du monde et du contexte. C est pourquoi la pertinence l emporte sur la cohérence comme principe de mise en forme du discours. 3. Le Topique comme organisation linéaire et temporelle de l information Le topique permet une mise en ordre linéaire et temporelle de l information. On commence par mettre en tête d énoncé l information qu on propose à l énonciataire comme donnée, à partir de laquelle on va lui proposer une information nouvelle. On peut distinguer deux types de topiques. Il y a des topiques qui apparaissent pour la première fois sans renvoi anaphorique à un élément antérieur du dialogue. Ces topiques sont le plus souvent construits en se rattachant aux connaissances du monde et du contexte : (1) et ta maman, elle aurait pas des robes. (Corpus de Morel et Danon-Boileau) Dans ce dialogue entre deux jeunes filles, ta maman apparaît pour la première fois mais est utilisé comme topique en s appuyant sur les connaissances que le locuteur sait pouvoir attribuer à l allocutaire. Dans d autres exemples, le topique préconstruit est un élément de la situation environnante (le temps qu il fait, par exemple). D autres topiques (plutôt dans la langue écrite et les textes suivis assez longs, dialogues ou narrations) obtiennent ce statut grâce au renvoi à un élément antérieur du texte. À la première occurrence, l élément qui deviendra ensuite topique apparaît comme un élément nouveau qui oriente l attention vers l avant du dialogue. Quand il est repris il devient un topique qui oriente l attention vers ce qui précède (il s agit de ce que la théorie 4

5 du centrage appelle rétention ). En français oral, les deux formes de topiques sont la construction avec présentatif existentiel: il y a X qui et la reprise par un pronom X, il (ou elle). Le topique prépare l introduction du nouveau en posant un point de départ qui fait partie du préconstruit dans le contexte précédent. L énonciateur présuppose que le coénonciateur n a aucune connaissance de ce qu il va lui présenter après le topique. Par exemple, au cours d un dialogue entre des jeunes constituant un groupe de musique qui prévoyaient un concert, on trouve l énoncé avec topique qui sert à introduire une information nouvelle et inattendue: (2) le concert il est annulé dimanche au Tom Pouce. (Corpus de Morel et Danon- Boileau)). En français parlé, on se sert du topique projeté avec reprise anaphorique quand on veut introduire une information nouvelle et celle-ci peut être focalisée et introduite par c est. (3) non, je crois que le principal, c est la télé. (Corpus de Morel et Danon-Boileau) Il faut donc distinguer entre topique anaphorique et non anaphorique. Contrairement à ce que pose la théorie du centrage pour qui le Cb est obligatoirement une reprise, certains topiques ne sont pas des reprises. Il faut ajouter au topique projeté à l avant le topique postposé (dit antitopique par Lambrecht 1994) qu il ne faut pas prendre pour un élément d information nouvelle uniquement en raison de sa place en fin d énoncé. Dans l interprétation dynamique du discours, le topique postposé permet de vérifier et fixer a posteriori l interprétation que fait le coénonciateur du commentaire qui précède. (4) Cest vrai qu c est un peu sale Paris. (Corpus de Morel et Danon-Boileau) Le topique postposé a une fonction argumentative: il permet à l énonciateur de s assurer que le coénonciateur ne donne pas une mauvaise interprétation de l énoncé précédent. C est un nom coréférent d un pronom de cet énoncé, sujet ou autre SN régi. Le topique postposé - rarement décrit pas les théoriciens du discours polonais - existe pourtant bel et bien dans la langue polonaise parlée ou les textes qui l imitent. (5) One tu dobrze wyglądają, te meble. (Białoszewski, AAmeryka) Ils ont belle allure ici, ces meubles. (6) A on po niej tak rozpaczał. Ten grzesznik. (Białoszewski, Donosy rzeczywistości) Et dire qu il la regrettait tant. Le pécheur. 5

6 Il est bien évident que les exemples précédents se trouvent derrière des contextes où les éléments posttopicalisés (ces meubles, le pécheur) sont déjà introduits. Le topique postposé est un SN accompagné d un article défini en français ou d un démonstratif en polonais, les deux à valeur anaphorique. Ces déterminants inscrivent le SN posttopique dans le domaine du donné. Cela renforce la valeur argumentative puisque le donné est admis comme savoir commun des deux coénonciateurs. 4. Le Thème général d un dialogue non présent sous forme de topique Le thème général n est pas présent dans tous les énoncés d un discours sous la forme d un segment verbalisé. Quand il est présent il peut se réaliser dans certains énoncés du discours cohérent soit sous forme de topique ou focus, soit sous forme de sujet ou même d un autre constituant de la phrase. Les différents types de dialogues que nous avons analysés nous suggèrent deux observations, mais il ne s agit que de tendances: (1) plus un dialogue est court moins la topicalisation du thème est nécessaire, (2) quand un dialogue est plus long la topicalisation ou focalisation du thème intervient. Un autre facteur semble entrer en jeu: la conversation familière (naturelle ou représentée au théâtre) semble recourir plus à la topicalisation que la conversation conventionnelle (entre professionnels et clients). Lorsqu il n y a pas de topique hors de la phrase, on peut considérer (cf. entre autres Grosz et al. 1995) qu il y a une affinité croissante entre les positions syntaxiques et la possibilité d apparaître comme centre informatif: le sujet d abord, puis l objet direct, puis indirect puis les autres compléments et les circonstants. Nous laisserons de côté la discussion précise de ce problème (notamment, les circonstants semblent fréquemment non pas être à proprement parler topicalisés mais servir de cadre à l intérieur du préambule ). Si nous ne tenons compte que du sujet et de l objet, la hiérarchie qui s établit entre eux concernant la possibilité d être topicalisé met bien sûr le sujet en première position, ce qu ont remarqué de nombreux auteurs [dont Lambrecht 1994]. En ce qui concerne les dialogues conventionnels en français [Tomokiyo 2000], on n y trouve pratiquement aucune topicalisation, cette dernière serait donc plus caractéristique de la conversation familière. Le déclenchement du thème y suit l ouverture de la conversation (une formule de politesse, allo et la confirmation du nom de l hôtel ou aussitôt la demande de réservation). Le mot qui constitue le thème chambre apparaît le plus souvent comme objet direct: auriez-vous des chambres, je voudrais réserver une chambre...) mais aussi comme objet indirect (je voudrais des renseignements sur des chambres). Tout au plus, le nom chambre, qui représente le thème général, devient sujet d une phrase (ci-après énoncés 4, 5, 8) mais la plupart du temps, dans les dialogues considérés, il est objet. 6

7 Voici un exemple (Réf. plfkg1.sy) : 1. bonjour, vous reste t-il des chambres pour la période du 13 au 16 août? 2. oui, il nous reste des chambres à 300 francs et à 450 francs. 3. quelle est la différence? 4. celles à 450 francs ont un sauna personnel, une grande terrasse avec une vue magnifique sur la mer. 5. si elles ont une terrasse, elles doivent certainement se situer au dernier étage, n'est-ce pas? 6. c'est exact, au dernier, le dixième étage. 7. je préférerais une chambre à un niveau bien inférieur. /est-ce possible? 8. dans ce cas, celles à 300 francs devraient faire l'affaire. /nous en avons de libres au troisième étage. 9. cela vous convient il? 10. c'est parfait. /pouvez vous la réserver du 13 au 16 août au nom de gaud, [e] g, a, u, d? 11. c'est fait. 12. hôtel est il loin de la gare? 13. non, 10 minutes à pied. 14. je vous remercie, au revoir. 15. au revoir. Ce qui constitue le thème général est repris par différents moyens anaphoriques qui renvoient toujours à l occurrence précédente, de proche en proche. Dans le premier tour de parole du client, le nom chambres apparaît en fonction objet au pluriel et avec un article indéfini: des chambres. Dans la réponse de l hôtelier, le même SN est repris, ce n est qu au deuxième tour de parole de l hôtelier que le nom chambres est remplacé par le pronom celles et ensuite, le client reprend la référence à ces chambres par le pronom personnel elles. Dans l énoncé 7, chambre réapparaît mais cette fois au singulier et en tant qu élément d information nouvelle car son référent (repéré par à un niveau bien inférieur ) est différent de tous les précédents référents du mot chambre. En 8, l hôtelier utilise l expression celles à 300F qui renvoie à sa première utilisation du thème global sous la forme il nous reste des chambres à 300 francs et à 450 francs. Dans l énoncé 10 du client, la reprise anaphorique se fait par le pronom personnel objet la. Dans la plupart des dialogues sur les chambres, l article indéfini est employé à plusieurs reprises avant que la transaction n aboutisse ; à ce moment-là, le client (ou l hôtelier) désigne la chambre qu il vient de réserver soit tout simplement par le pronom personnel anaphorique en position de sujet elle ou d objet la, soit avec l article défini la chambre. Pour ce qui est du polonais, nous avons pris l exemple d un dialogue entre un usager et un vendeur de billets de chemin de fer (Luboński 1985). Comme pour les dialogues professionnels français, nous constatons que le thème général du dialogue n est pas réalisé sous forme d un topique. La première fois, il apparaît comme objet de la phrase (7) Kiedy mam pociąg do Krakowa? A quelle heure puis-je avoir un train pour Cracovie? Puis le mot pociąg train apparaît à plusieurs reprises comme sujet des phrases, la première fois repris tel quel, les fois suivantes remplacé par des substituts anaphoriques 7

8 qui sont des adjectifs substantivés (express, rapide, de voyageurs) à partir de SN ayant pour base le mot train, ou des pronoms de renvoi (démonstratif tamten celui-là, indéfini jakieś) et enfin un SN avec un démonstratif et deux adjectifs (ten popołudniowy express, l express de l après-midi. Luboński constate que ce que nous appelons le thème 4 n est pas représenté dans chaque énoncé par un segment car une suite d énoncés peuvent avoir le même thème et tant qu on n en change pas on n a pas besoin de l exprimer explicitement. 5. Enoncés successifs: ordre temporel ou coréférence L interprétation de deux énoncés successifs comme représentant des événements eux-mêmes successifs dans l ordre temporel ou au contraire comme renvoyant au même événement est liée aux valeurs anaphoriques des éléments de l énoncé n 2 qui renvoient à l énoncé n 1. La fonction anaphorique est assurée non seulement par des éléments du groupe nominal mais aussi par le groupe verbal (notamment par des formes aspectuelles ou aspecto-temporelles). Une étude de [Danlos L., 1999] décrit des suites de deux énoncés qui renvoient à un seul événement faisant l objet d une reformulation généralisante ou particularisante. Le deuxième énoncé ne constitue pas alors une information nouvelle par rapport à l énoncé précédent mais une généralisation ou au contraire une particularisation comme dans l exemple: (8) Pierre a traité un arbre. Il a taillé un érable. Pour justifier une interprétation coréférentielle, il faut que les actants des deux énoncés successifs renvoient aux mêmes référents (il -> Pierre, érable -> arbre) et que les lexèmes soient en relation d hyperonymie (arbre -> érable, traiter -> tailler). De nombreux travaux étudient le rapport entre l aspect et l information (Ter Meulen 1995). Bondarko (1996) oppose les traits apparition d une situation nouvelle 5 et situation donnée 6 et constate: le moyen fondamental de marquer le trait apparition d une situation nouvelleest est le perfectif (ibid. p. 13). L imperfectif lui est non marqué par rapport à ce trait: on l emploie pour exprimer aussi bien Situation donnée que Apparition d une situation nouvelle (présent de narration, suite d événements répétés habituellement). Ces emplois sont à la base de la présence du perfectif dans les énoncés cataphoriques et de l imperfectif dans les énoncés anaphoriques (Włodarczyk H. 1997). 4 Luboński emploie de manière complètement différente de la nôtre les termes de thème et topique mais nous résumons sa pensée dans notre terminologie. 5 Vosniknovenije novoj situacii, Bondarko Dannaja situacja, ibid. 8

9 La conversation se fonde sur une structure élémentaire: la paire d actes de parole appelée paire adjacente dont le premier est un stimulus et le deuxième une réponse, de différentes sortes: question-réponse (demande d information, information donnée), invitation-acceptation, salutation-salutation. La paire est définie par (Schegloff & Sacks 1973) comme suit: (1) une paire se compose d énoncés de deux locuteurs différents; (2) il y a un ordre entre les deux énoncés; (3) le deuxième énoncé doit correspondre au premier; (4) les deux énoncés sont adjacents. Mais cette structure connaît des exceptions: parfois, des énoncés s intercalent entre le premier et le deuxième énoncé d une paire (ex. de Tomokiyo p. 42):? intercalée. C1: oui, bonjour madame, avez vous deux chambres pour le 20 novembre prochain H1: vous souhaitez deux chambres pour deux personnes? C2: non, deux chambres, chacune pour une personne. H2: ah, bien [eh] oui, j'en ai deux disponibles, pour la nuit du 20 au 21. La réplique H2 est une réponse à C1, entre les deux une autre paire adjacente a été Levinson (1983) classe le deuxième énoncé d une paire en marqué ou non-marqué. Si la réponse est non-marquée (correspond à l attente du premier locuteur) l échange peut s arrêter là. Ce sont les réponses marquées qui relancent l échange. Dans les cinquante dialogues français conventionnels (enregistrements d échanges spontanés entre un hôtelier et un client) analysés par M. Tomokiyo, il y a au contraire 78% des deuxièmes énoncés d une paire qui sont non marqués. 6. La Succession des énoncés dans un dialogue de théâtre Pour mettre à l épreuve nos principes nous avons étudié la scène 4 de la pièce de Sławomir Mrożek Alfa. Dans ce dialogue de théâtre, la structure en paires adjacentes est perturbée par les refus de répondre d Alfa qui sont marqués par la didascalie pause entre des répliques successives de Bêta : à plusieurs reprises, les stimuli de Bêta restent sans réponse de la part d Alfa (de 16 à 22, 7 tours de parole de Bêta, puis 2 de 45 à 46, puis 3 de 68 à 70, puis 8 de 72 à 79). Dans les dialogues de théâtre, le deuxième énoncé d une paire adjacente est en général plutôt une réponse marquée qui maintient la conversation. L énoncé 2 du dialogue entre Alfa et Bêta (Pana /Vous) ne comporte que le rhème et constitue le type même de réponse non marquée réduite syntaxiquement à sa partie informative. L échange pourrait donc s arrêter là. Il est relancé par la question d Alfa (énoncé 3 un interrogatoire nocturne?) qui - pour assurer la cohérence - se rattache au thème de la nuit introduit dans la première réplique. 9

10 6.1. Ouverture et clôture du dialogue Dans les dialogues, l ouverture et la clôture sont généralement constituées par des formules conventionnelles (politesse, remarques sur temps qu il fait). Le dialogue entre Alfa et Bêta est conforme à ce modèle. L ouverture (énoncés 1-8) et la fermeture ( 70-74, 79) sont constituées par des formules sur les thèmes de la nuit et de la chaleur. Les considérations sur la météorologie sont proches de pures formules phatiques, elles servent à instaurer un dialogue quand il n y a encore aucun contenu à transmettre. Elles permettent d embrayer le dialogue sur la situation environnante. Ces formules sur le temps ou le moment du jour entrent aussi dans les formules de politesse. Le thème d ouverture (1 à 8) est double. Il est construit autour de noc la nuit et de l adjectif dérivé nocne... nocturme ainsi que parna étouffante qui introduit le thème de la chaleur. Ce thème d ouverture est introduit par l énoncé 1 Parna noc qui est en soi un préambule réduit au cadre et privé de rhème ce que souligne la réplique 2 qui se présente comme une question exigeant une information pertinente (rhème) absente dans l énoncé 1. Alfa n accepte qu une partie du thème d ouverture: la partie nuit mais non la partie chaleur. Sur le thème chaleur, Alfa refuse de coopérer pour ne pas entrer dans des considérations personnelles, intimes, avec Bêta. La seule réplique de Alfa concernant la chaleur sera à la fin une réponse laconique - ça ne fait aucun effet (71) à la question vous avez pris une douche? (in 70). Au contraire, le thème de la nuit se poursuit (continuation d un centre d intérêt) pendant 8 répliques jusqu à la 4e réplique d Alfa mais il est transformé en thème d interrogatoire nocturne. Le thème de la chaleur est repris ensuite tout à la fin de la scène par Bêta (70-74) pour servir de clôture conventionnelle du dialogue Thèmes particuliers et thème général Dans la scène 4 d Alfa, sur un ensemble de 79 répliques, on peut dégager cinq lignes thématiques : - Temps chronologique et météorologique : chaleur et nuit (7 répliques dont 1 au début et 4 à la fin) - Sensations physiques : insomnie (10 répliques) - Vie privée : ennui, solitude, vie conjugale (9 répliques) - Politique : interrogatoires de police, rire, peur, insultes, carrière (46 répliques) - Problème moral : conscience, honnêteté, être humain (24 répliques) Ces thèmes (dont les interlocuteurs prennent tour à tour l initiative entre l ouverture et la clôture) sont réalisés par différentes positions syntaxiques (sujet, objet, etc.), 10

11 différentes parties du discours (noms, verbes, adverbes, etc.) et éventuellement mis en position de topique ou focus. La cohérence du dialogue est mise en cause à plusieurs reprises non seulement par le refus de coopérer d Alfa mais aussi par des changements brusques de thèmes. Il faut une reprise en mémoire de l ensemble de l échange pour que la cohérence générale se révèle. À la première lecture, il n y a qu une cohérence locale, des thèmes particuliers divers, successifs, et la scène donne l impression d une conversation naturelle à bâtons rompus. Les thèmes particuliers introduits par Bêta sont souvent anodins, conventionnels : l insomnie, la chaleur, l ennui ; c est le plus souvent Alfa qui introduit des thèmes particuliers importants (la conscience, l honnêteté, etc.) qui contribueront à la construction du thème général ; c est un moyen pour l auteur de mettre en valeur son personnage principal. Pour mettre en évidence le thème général de cet échange nous avons utilisé le concept d isotopie de Greimas (répétitions d un même lexème ou accumulation de lexèmes appartenant au même champ sémantique) et avons ainsi retenu, parmi les cinq lignes thématiques, le problème moral. Dans le dialogue étudié, les expressions qui représentent le thème général sont les lexèmes : conscience (sumienie) introduit dès la réplique 15 et répété 4 fois, les gens honnêtes (przyzwoici ludzie) (2 fois), la noblesse de coeur (le nom szlachetność 3 fois), l adjectif szlachetny (2 fois), l adverbe szlachetnie (2 fois). De plus, ces expressions sont présentes presque du début jusqu à la fin du dialogue (de la 15e à la 76e réplique) et elles apparaissent plusieurs fois en position de topique ou focus. La première fois que le mot conscience apparaît il est focalisé (énoncé 15: Sumienie gryzie, co? C est la conscience qui vous ronge, hein? ). Le mot sumienie apparaît ensuite comme objet en 16 (ja nie mam sumienia). Puis le mot est topicalisé par une expression qui le projette à l avant de l énoncé dans la réplique 17 A jeżeli już mówimy o sumieniu... Et puisque nous parlons de conscience.... En 18, il y a une topicalisation du nom sumienie avec un procédé de suspension qui l éloigne de son adjectif épithète rejeté à la fin de l énoncé comme élément nouveau (jeżeli sumienie ma pan czyste, lit. : la conscience, si vous l avez tranquille ) La Réalisation des thèmes particuliers et les types de transition Voyons maintenant comment les thèmes particuliers sont introduits et comment sont réalisées les transitions entre eux. Nous nous limiterons à quelques exemples. 11

12 Le thème des gens honnêtes (23-30) apparaît la première fois en fonction de complément d objet en fin d énoncé 22 (przyzwoitych ludzi), donc en place rhématique mais sans insistance, sans focus. La reprise interrogative de l adjectif honnêtes (avec ellipse du substantif les gens) transforme le rhème en topique dans l énoncé 23 d Alfa qui intervient après neuf tours de parole de Bêta restés sans réponses. La transition réalisée ici est du type du changement de centre d intérêt. Dans une suite d énoncés de Bêta se rapportant au thème de l ennui, Alfa a choisi de donner le statut de thème au SN les gens honnêtes. L importance est donnée à ce thème grâce à la reprise de cet élément par des substituts anaphoriques nombreux qui l activent : inteligentnych ludzi «les gens cultivés», z dobrego towarzystwa «de la bonne société», elita «l élite» (2 fois). Ensuite, il y a une reprise par un pronom personnel oni, puis un démonstratif ci annonçant une relative. On remarque, parmi les substituts anaphoriques, un pronom au datif im en fonction d expérient avec un verbe à sujet anonyme (im nie wypada, tak im się gust odmienił). Du point de vue informatif, l expérient exprimé au datif occuperait donc un rang élévé quand il est employé avec les constructions impersonnelles - ce qui expliquerait que beaucoup de grammairiens aiment parler de sujet au datif, le terme sujet étant sans doute employé ici plus pour son rôle dans l organisation discursive qu avec son sens d élément syntaxique. Examinons ensuite la réplique 59 d Alfa construite sur le thème de la politique et du politicien. Au début, dans la phrase:... pan jest polityk (vous n êtes qu un homme politique)., le mot politiyk est introduit comme un focus (en tant que substantif attribut du sujet au nominatif et non à l instrumental 7 ). Puis, ce substantif focalisé est repris comme topique après la conjonction a (qui concourt fréquemment à la topicalisation) : a polityk nie może mówić po prostu jak człowiek (et un politicien ne peut pas parler tout simplement comme un être humain ). Ce substantif topicalisé est le sujet de la phrase. Dans la phrase qui suit : Polityka ludzie nic nie obchodzą, bo jego obchodzi tylko polityka. (Un homme politique, les gens ne l intéressent pas, car il ne s intéresse qu à la politique.) il y a un jeu sur les deux formes homonymes polityka : la première fois c est le génitif accusatif du substantif masculin polityk (un politicien) la deuxième fois c est le nominatif du nom féminin polityka (la politique). La topicalisation de la première apparition de l homonyme (c est la poursuite du topique précédent) est d autant plus forte qu elle concerne le complément d objet à l accusatif projeté en tête de phrase, avant le sujet grammatical (ludzie). Le deuxième homonyme en fin d énoncé est en position de focus introduit par l adverbe tylko. La partie de l énoncé qui précède le focus est entièrement donnée (jego obchodzi) puisqu elle reprend l énoncé précédent polityka 7 C est moi qui attribue la valeur focalisante au nominatif alors que les grammaires polonaises en général ignorent l attribut qui est réalisé comme un substantif au nominatif. 12

13 ludzie nie obchodzą -> bo jego obchodzi tylko polityka. Le type de transition utilisé entre les centres d intérêt de cette réplique 59 est bien sûr la continuation. Un exemple de changement brusque de centre d intérêt (sans rien retenir du contexte précédent) est constitué par l introduction dans l énoncé 75 du dialogue d Alfa d un thème particulier tout nouveau: celui de la femme qui quitte son mari. Ce sont les topiques (fondés non sur l anaphore textuelle mais la connaissance de la situation extralinguistique) qui permettent la rupture. En effet, dans l énoncé 75 (mnie żona opuściła moi, ma femme m a quitté ), il y a deux topiques successifs moi, ma femme, le premier objet, le second sujet du verbe. La place du sujet żona devant le verbe le rend aussi topique : en polonais, le sujet qui fait partie d une prédication toute nouvelle serait plutôt placé derrière le verbe. L information nouvelle est introduite par le verbe au passé perfectif (rzuciła / m a quitté ) qui fonctionne selon le schéma décrit par Bondarko comme apparition d une situation nouvelle. Dans la même réplique 75, un thème est introduit de manière apparemment incohérente par l adverbe solidarnie (solidairement) répété deux fois et mis en valeur par la ponctuation (le point) qui sépare cet adverbe du verbe dont il dépend syntaxiquement opuściła (a quitté). C est un exemple où la pertinence fondée sur les connaissances du lecteur est le facteur principal de cohérence du discours : dans le contexte de la crise polonaise de dont l acteur principal est le syndicat Solidarité (et son chef charismatique L. Wałęsa), l adverbe solidairement est chargé de connotations qui dépassent le cas particulier de l épouse du policier dont il est question dans ce fragment du dialogue Les Valeurs informatives ou des énoncés successifs et la coréférentialité Nous nous limiterons à un exemple. Le thème de l insomnie est construit à partir du verbe nie śpię je ne dors pas, introduit la première fois comme verbe présent imperfectif à valeur actuelle particulière, la deuxième fois, le verbe est accompagné de czasami parfois qui lui donne une valeur habituelle. L énoncé 11 renvoie au même événement que 9, il n y a aucune succession mais il est généralisant par rapport à 9 : de l instant présent particulier on passe à une période plus vaste où se réalise la valeur habituelle. La valeur habituelle constitue une généralisation par rapport à la valeur particulière exprimée par le présent actuel. En même temps, il peut y avoir une légère valeur causale dans l énoncé 11 par rapport à l énoncé 9. On peut ensuite interpréter Osoba publiczna nie śpi prywatnie? comme un énoncé particulier revalidé en énoncé à valeur générale (ou même habituelle ou potentielle) selon un procédé qui rappelle le parcours de valeur du particulier vers le général de l article indéfini [Guillaume] ; on peut 13

14 donc traduire : Une personne publique a des insomnies privées?. De 9 jusqu à 13 on constate un rapport de généralisation : le fait particulier de ne pas dormir est généralisé en deux étapes: valeur habituelle puis générique. En 14, on peut hésiter entre deux interprétations. Selon la première, la reprise de nie śpię avec le sujet particularisant focalisé ja (moi, pronom personnel accentué) a à nouveau une valeur particulière (le locuteur veut ramener les choses uniquement à la situation présente, sans accepter les généralisations proposées par Alfa). Mais une deuxième interprétation n est pas impossible : Bêta accepte le point de vue généralisant imposé par Alfa et explique toutes ses insomnies par une formule quasiment tautologique pour éliminer les causes suggérées par Alfa (zawsze na posterunku toujours à votre poste ). Suivant qu on choisit l interprétation générale ou particulière de l énoncé 14, il s ensuit une interprétation semblable de l énoncé 15 : c est la conscience qui vous ronge (cette nuit en particulier ou toutes les nuits). Les relations décrites ci-dessus entre les énoncés successifs ne sont pas de nature chronologique mais argumentative et créent une alternance entre les énoncés à valeur particulière et ceux à valeur générale. 7. Conclusion La dynamique énonciative met en place des centres d intérêts successifs. Les topiques et les focus qui concernent les énoncés sont dominés par les thèmes : le thème général du discours et des thèmes particuliers à chaque fragment. Le thème général se construit par la récurrence d éléments qui s y réfèrent tout au long du discours. L interprétation globale d un discours se réalise par un retour en arrière qui réinterprète les thèmes particuliers en mémoire comme appartenant ou non au thème général. Quand les dialogues sont courts et conventionnels, le thème général n est pas réalisé comme un topique ou focus des énoncés, il apparaît seulement comme sujet ou objet des phrases. Dans les dialogues longs, en revanche, la nécessité de rappeler le thème général ou le besoin d introduire de nouveaux thèmes particuliers se fait par l utilisation des topiques et des focus. Ce phénomène est comparable à l usage du vocatif qui n est employé que s il s agit de recapter l attention d un interlocuteur distrait ou de s adresser à un nouvel allocutaire 8. La mise en forme linéaire des énoncés successifs dans un discours cohérent fait appel à la mémoire de l énonciataire et lui fournit les indications nécessaires pour construire un discours cohérent au fur et à mesure de son déroulement dans le temps. 8. Bibliographie 8 Lambrecht 1999 signale également des analogies entre topique et vocatif. 14

15 BRENNAN S. E., FRIEDMANN M.W. & POLLARD C. J. (1987) A centering approach to pronouns, Proceedings of the25th Meeting of the Association for Computational linguistics, FIRBAS Jan (1986) A Systemic View of Functional Sentence Perspective, in Teoria tekstu, Zbiór studiów, DOBRZYŃSKA T. red., PAN, Ossolineum, Wrocław, Warszawa, Gdańsk... GROSZ B. J., JOSHI A.K., WEINSTEIN S. (1995) Centering: a framework for Modeling the Local Coherence od Discourse, Computational Linguistics, Vol. 21, Nr 2, 1995, p HAJICOVA E. (1998) «Topic, Focus and Anaphora», CD-ROM: Proceedings of the 16th International Congress of Linguists. Pergamon, Oxford, Paper No. p LAMBRECHT K. (1994) Information Structure and Sentence Form. Topic, focus, and the mental representations of the discourse referents, Cambridge University Press, Cambridge. (1999) «Sur la relation formelle et fonctionnelle entre topiques et vocatifs», Langues N 1 vol.1 septembre 1998, Les cahiers d études et de recherches francophones, Aupelf-Uref, John Libbey Eurotex, Montrouge, France. LEVINSON S. C. (1983) Pragmatics, Cambridge University Press, Cambridge. LUBOŃSKI Paweł (1985) Natural Language Interface for a Polish Railway Expert System in Natural Language Understanding and Logic Programming, V. DAHL and P. SAINT-DIZIER ed., Elsevier, North Holland. MOESCHLER J. (1989) Modélisation du dialogue, représentation de l inférence argumentative, Hermès, Paris. MOREL M.-A. & DANON-BOILEAU L. (1998) Grammaire de l intonation, L exemple du français, Faits de Langues, Ophrys, Gap, Paris. SCHEGLOFF E. A. & SACKS H. (1973) «Opening up closings», Semiotica vol.74 : SGALL P. (1976) O pojęciu tekstu, Semantyka tekstu i języka, Red. MAYENOWA M. R., p. 7-16, Ossolineum, Wrocław... SPERBER D. & WILSON D. (1986) Relevance - Communication and cognition, trad. française La Pertinence - communication et cognition, éd. de Minuit STRUBE M.& HAHN U. (1996) Functional Centering, Proc. of the 34th Annual Meeting of the Association for Computational Linguistics, Santa Cruz, Ca. TER MEULEN Alice G. B. (1995) Representing Time in Natural Language : the dynamic interpretation of tense and aspect, A Bradford Book, the MIT Press, Cambridge, Mass., London, England. TOMOKIYO Mutsuko (2000) Analyse discursive de dialogues oraux en français, japonais et anglais: élaboration et validation par analyse comparative de corpus réels, Université Paris 7 (dactylographié). WŁODARCZYK André (1999) La validation informative des énoncés et la quantification linguistique, Etudes cognitives / Studia kognitywne III, SOW, PAN, Warszawa. WŁODARCZYK Hélène (1997) L Aspect verbal dans le contexte en polonais et en russe, Institut d Etudes Slaves, Paris. WŁODARCZYK Hélène (1999) Les marqueurs de la validation des énoncés en français et polonais, Etudes cognitives / Studia kognitywne III, SOW, PAN, 15

16 Warszawa. (Erratum: en raison d une erreur typographique, les symboles et ont été inversés dans tout cet article). 16

17 9. Annexe (corpus) : scène 4 de la pièce Alfa de Sławomir Mrożek MROŻEK Sławomir (1984) Alfa, Instytut Literacki, Paryż, Odsłona czwarta, Nous ne reproduisons ci-après que le dialogue sans les indications scéniques qui l introduisent (p. 41). 1 BETA Parna noc. 2 ALFA Czego pan tu szuka? 3 BETA Pana. 4 ALFA Nocne przesłuchanie? 5 BETA Nie bądźmy śmieszni. Pan chyba się orientuje, jak wyglądają nocne przesłuchania. 6 ALFA Coś nocnego w każdym razie. Jakaś nocna akcja. 7 BETA Nie przesadzajmy. 8 ALFA Nocna rewizja, nocna kontrola, nocna inwigilacja 9 BETA Po prostu nie śpię. 10 ALFA Zawsze na posterunku, co? 11 BETA Po co te sarkazmy. Czasami nie śpię prywatnie. 12 ALFA Osoba publiczna nie śpi prywatnie? 13 BETA Pan jest agresywny. No dobrze. Pan też jest osobą publiczną. Czy dzisiaj nie śpi pan publicznie, czy prywatnie? Pauza 14 BETA No widzi pan. Ja nie śpię, bo nie mogę spać. 15 ALFA Sumienie gryzie, co? 16 BETA Przeciez ja nie mam sumienia. Pan już zapomniał? 17 BETA Doprawdy man nie jest w dobrej formie. Coś dzieje sie z panską inteligencją. Widocznie jest pan już nieco zmęczony. A jeżeli juz mowimy o sumieniu to dlaczego pan nie śpi? 18 BETA Bo jeżeli sumienie ma pan czyste, to musza byc jakies inne powody 19 BETA No dobrze. Dajmy już spokój. To pan zaczął a nie ja. No, ale ja rozumiem. Nerwy. I ta temperatura Doniesiono mi, że pan nie może sypiać już od paru tygodni. Czy to prawda? 20 BETA No tak, pan nie śpi, ja też dzisiaj nie śpię, więc pomyślałem sobie, że skoro obydwaj nie śpimy, to może bym pana odwiedził. Panu już chyba się nudzi bez towarzystwa. 21 BETA Prawdę mówiąc, mnie też się nudzi. Nie mam z kim nawet porozmawiać. Ci moi koledzy sam pan wie. A nawet gdzie indziej, na wyższych szczeblach, zwłaszxza teraz Pauza 22 BETA Przedtem było jeszcze jakieś życie. Przyjecia, spotkania towarzyskie Praca też, owszem, ale po pracy można było spotkac przyzwoitych ludzi. 23 ALFA Przyzwoitych? 24 BETA No, przynajmniej inteligentnych. Z dobrej sfery. Życie towarzyskie i intelektualne, ludzie z dobrego towarzystwa, artyści Bale i bankiety, tatry i kabarety. Władza przyciąga elitę, a elita władzę. Ale od tej waszej rewolucji Unikają. Zmienili lokal. Władza przestała być modna. 25 ALFA Niech się pan nie martwi. Oni jeszcze wróca. 26 BETA Hołota może wróci, ale ci, na których nam zależy juz nie. Już im nie wypada. Teraz jest moda na szlachetność. 27 ALFA Może nie tylko moda. 28 BETA Ja wiem, co oni teraz o mnie mówią. Policjant, oprawca, cham. Ręki mi nie wypada podać, tak im się gust odmienił. Delikatni. A przedtem to stali w ogonku, żeby choć słowo ze mną zamienić, choćby spojrzenie I pochwalić się potem przed innymi. Uśmiechy, uściski, zaloty. Słodycz po prostu. Scierwo. Dzisiaj się przechwalają, że mi napluliw twarz. No, przesadzają, oczywiście. Napluliby, gdyby mieli odwagę. 29 ALFA Przedtem też niejedno mówili. 30 BETA Ala po cichu, za plecami. W oczy nigdy nie śmieli. Bali się mówić głośno. Zawsze się bali. Głośno, to oni śmiali się tylko z pana. 31 ALFA Ze mnie?

18 34 BETA Lekceważyli. Kim pan był dla nich jeszcze try lata temu, jeszcze nawet rok. Prostakiem, a,onimem, jakimś małym organizatorem jakiegoś małego zamieszania gdzieś na prowincji. Niepoważnym maniakiem paru ideałów, których już nikt nie brał poważnie. Zaczęli pana szanować dopiero wtedy, kiedy poczuli, że pan rośnie w siłę. Oni zawsze czują, kto ma siłę. Ale i to Nawet kiedy już klękali przed panem, jeszcze widzieli, że pan ma czarne paznokcie. Tak naprawdę, to oni nigdy panu nie wybaczyli, że pan przyszedł z dołu i przerósł ich. 35 ALFA Jakie to ma dzisiaj znaczenie. 36 BETA Właściwie to pan jest jedynym człowiekiem, który powinien mnie rozumieć. Różnica jest tylko taka, że mnie wyśmiewają teraz, a pana wyśmiewali przedtem. Poza tym wszystko to samo. 37 ALFA Nie, jest jeszcze jedna różnica. 38 BETA Jaka? 39 ALFA Mnie nigdy się nie bali. 40 BETA Szlachetność się opłaca, co? Pauza 41 BETA Szlachetnego wszyscy szanują. A pan jest szlachetny. 42 ALFA Nie wiem. 43 BETA Ale ja wiem. Chodząca dwunożna szlachetność. Ulubieniec dam i wszystkich warstw społeczeństwa, wyższych i niższych. Symbol jedności narodowej, jutrzenak narodowego przebudzenia po mrokach korupcji i tyranii. Uzdrowienie, odrodzenie, Rinascimento! Oczywiście. Pan, uosobienie wszelkich cnót, to nie to samo co ja, policmajster. 44 ALFA To pan mówi, nie ja. 45 BETA Ja mówię tylko to, co wszyscy myśla. Co pan także myśli. Pauza 46 BETA No, niech pan powie nareszcie, że ja jaestem oprawca, kat i świnia. 47 ALFA Za gorąco. Może innym razem. 48 BETA A pan jest oszust. 49 BETA Ja? 50 BETA Obłudnik, chytry gracz. Bo pan nie ma złudzeń, co wart ten lud, dla ktorego pan się tak niby poświęca. Nie może pan mieć złudzeń, bo pan jest z tego ludu. Tak samo jak ja. Pan go zna, obydwaj tak samo dobrze go znamy. Gdyby pan się urodził w salonach, móglbym jeszcze przypuszszać, że pan wierzy w bajki o ludzie. Mieliśmy już takich, widzieli lud przez okno i po-ko-cha-li. Całym inteligentnym, dobrze odżywionym serduszkiem. I poszli w lud, dla ludu, ku ludowi, zludem, aby się zniżyć, bratać i poświęcac. Ale to nie jest pański przypadek. Pan nie może iść w dół, bo pan zaczął od dołu. Tak samo; jak kiedyś ja zacząłem. Pan mógł iść tylko w górę. A jak? Wyniesiony rękami tych, co są w dole. I wynieśli pana. Doskonale pan to sobie obliczył, nie ma co. ROZnica między nami jest tylko taka, że pan postawił na inny numer. Udało się, moje gratulacje. Tylko niech mi pan nie opowiada o swojej miłości do ludu. To może pan opowiadac naiwnym, ale nie mnie, nie tutaj między nami. Te poetyckie czułości, że pan się dla ludu poświęca, że pan lud kocha. 51 ALFA Ja nigdy tego nie powiedziałem. 52 BETA Jak to, nie mówił pan? 53 ALFA Kiedy? 54 BETA Kiedy pan robił karierę. 55 ALFA Nie, nigdy. 56 BETA O ludzie pan nie mówił? O miłości do ludu? 57 ALFA Co pan mi wciąż z tym ludem! Lud, lud, lud, to pan mi przez cały czsa jakimś ludem głowę zawraca. Ja nie używam tego słowa. Co jest ten pański lud, jak wygląda, blondyn, czy łysy? Ile waży? Jaki ma numer buta? Ciepły, zimny? Zielony? Niebieski? Niech mi pan pokaże człowieka, a ja wtedy panu powiem, czy go lubię czy nie. Ale kiedy mi pan mówi o jakimś ludzie, wtedy nie wiem o czym pan mówi. 58 BETA Chyba wyraziłem się jasno. 59 ALFA Nie. Bo pan jest polityk, a polityk nie może mówić po prostu jak człowiek, pan tylko w kółko masy, warstwy, klasy, sfery No i kariery. Polityka ludzie nic nie obchodzą, bo jego obchodzi tylko polityka. 60 BETA Przecież pan także jest politykiem. 61 ALFA Nie. Ja tylko lubię ludzi i dlatego ludzie mnie lubią. To wszystko. 62 BETA I to jest cały sekret pańskiej kariery? 63 ALFA A pan znowu o tej karierze. To pan chciał zrobić karierę, nie ja. No i zrobił ją pan. Ma pan tę swoją karierę, ma pan władzę. Dlaczego pan jeszcze nie jest zadawolony? Czego panu jeszcze brakuje? Dlaczego pan nie śpi spokojnie? 64 BETA Ja też jestem człowiekiem.

19 Pauza 65 ALFA Tak. I to jest właśnie najgorsze. Beta stoi przed wyjściem na taras. Patrzy w ciemny park. 66 BETA Pan zawsze był otoczony ludżmi. Młodzi, starzy, mądrzy, głupi Mężczyźni, kobiety Zwłaszcza kobiet. 67 ALFA Człowiek powinien być z ludżmi. 68 BETA Ale teraz jest pan sam. Nagle zupełnie sam. I ta cisza To nie jest życie dla pana. 69 BETA A zreszta, dla kogo jest takie życie Beta wyjmuje z kieszeni chustkę, ociera twarz. 70 BETA Jak pan to może wytrrzymać. W dodatku ten upał Bez przerwy już od tygodni. W dzień jeszcze ujdzie, ale w nocy Wziął pan prysznic? 71 ALFA Nie pomaga. 72 BETA Mnie też nie pomaga. Pan ma rację, już lepsze jest mokre prześcieradło. Ale pan może, a ja nie mogę, mnie nie wypada. Zazdroszczę panu. 73 BETA W nocy powinno być trochę chłodniej. 74 BETA I zapowiadają, że tak będzie w dalszym ciągu. Żadnych zmian. Po czym BETA mówi tym samym co poprzednio tonem, zdawkowo, jakby wciąż o pogodzie. 75 BETa Mnie żona wczoraj opuściła. 76 BETA Narodowo. Szlachetnie. To znaczy szlachetnie wobec narodu, którego ja uciskam. To znaczy wobec pana też. Solidarnie. To znaczy nie ze mną, tylko z tymi, których ja prześladuję. Z panem solidarnie. 77 BETA Z miłości. To znaczy nie do mnie. Do narodu. Przypomniało jej się, że kocha naród. Teraz, po tylu latach. Nie mogę dłużej, powiedziała. Teraz nie może. 78 BETA Przedtem mogła. Beta odwraca sie od wyjścia na taras. 79 BETA Dobranoc. BETA wychodzi na prawo (sam otwiera drzwi i sam ja zamyka za sobą). ALFA siedzi jeszcze przez chwilę nieruchomo. Potem wstaje z krzesła i kładzie sie na sofie, nakrywając sie cały z głową również prześcieradlem. Black-out.